Infographies – JP Morgan AM a collecté près de 1 milliard de dollars sur ses « ETF actifs » en Europe depuis le 1er janvier. Olivier Paquier, head of ETF distribution EMEA, explique comment il compte faire passer à la vitesse supérieure ces produits à mi-chemin entre la gestion active et passive.
Avec plus de 2 500 milliards de dollars sous gestion, JP Morgan AM fait indéniablement partie des géants mondiaux de l’asset management. Mais c’est plutôt un poids-plume dans la cour des fonds indiciels cotés (ETF). Arrivé plus tardivement que les géants BlackRock ou Vanguard sur ce marché, ses encours sur ces produits-là avoisinent « à peine » 87 milliards de dollars. Contre 2 242 milliards pour la firme dirigée par Larry Fink et 1 913 milliards pour cette pilotée par Tim Buckley… rien qu’aux Etats-Unis ! Difficile de rivaliser avec des titans qui gèrent respectivement 8,11% et 6,70% des actifs mondiaux, toutes catégories confondues.
9 milliards récoltés en quatre ans
Pas de quoi décourager JP Morgan Asset Management pour autant ! La société de gestion nourrit en effet de grandes ambitions dans les fonds indiciels cotés. En particulier sur le Vieux Continent. « Nous avons en effet lancé une trentaine d’ETF en Europe ces quatre dernières années et avons déjà réussi à collecter 9 milliards de dollars sur ces produits », fait valoir Olivier Paquier, head of ETF distribution EMEA chez JP Morgan AM.
S’il reste évasif sur ses objectifs commerciaux – concédant seulement viser une « croissance significative » – Olivier Paquier se montre bien plus loquace sur sa stratégie de développement. Son principal fer de lance ? Les « ETF actifs », ces drôles d’oiseaux à mi-chemin entre la gestion passive et active qui partagent depuis quelques années le même nid que deux types d’ETF plus classiques chez JP Morgan AM. « Les ETF indiciels [les plus répandus] se contentent de répliquer un indice de manière passive, les ETF smart beta s’appuient sur la gestion quantitative, alors que les ETF actifs bénéficient d’une approche fondamentale qui conduit leurs gérants à surpondérer ou sous-pondérer certains titres par rapport à leur indice dans le but de générer de l’alpha, explique-t-il. Nous visons ainsi 50 à 75 points de base de surperformance pour ces derniers. »
Des encours multipliés par six
Sortis de l’œuf au sortir de crise financière de 2008, les ETF actifs ont vraiment commencé à vraiment leur envol ces dernières années. Entre août 2016 et février 2022, leur encours global est en effet passé de 56 milliards à 314 milliards de dollars.
Pas question pour JP Morgan AM de rater cette tendance-là. La société de gestion a ainsi lancé cinq nouveaux ETF actifs depuis le début de l’année en Europe, portant cette gamme à une quinzaine de véhicules de ce côté de l’Atlantique. « Ces nouveaux fonds Research Enhanced Index permettent de s’exposer aux actions et aux obligations, avec une approche ESG pour certains d’entre eux », souligne le head of ETF distribution EMEA.
L’appétit des investisseurs semble être au rendez-vous. Entre le 1er janvier et le 13 mai derniers, les ETF actifs de JP Morgan AM ont collecté pas moins de 949 millions de dollars en Europe. Soit davantage que la collecte nette de l’ensemble des cinq leaders du marché ! S’élevant à 879 millions de dollars selon la plateforme ETFBook, ce dernier montant reflète les fortunes très diverses des principaux promoteurs d’ETF actifs ces derniers mois.
En effet, si HSBC a sauvé la face en levant 121 millions de dollars nets sur la période pour ses fonds actifs, les trois autres poids-lourds du secteur ont eu du plomb dans l’aile. Lyxor a enregistré 24 millions de dollars de retraits, Fidelity 321 millions… et Pimco 478 millions ! Il faut dire que la filiale d’Allianz a particulièrement inquiété les investisseurs en mars dernier – mois durant lequel 733 millions de dollars ont été retirés de ses ETF actifs en Europe – à cause de son exposition à la dette russe.
Petit, petit… petit ?
Numéro 1 de la collecte sur ce segment de marché depuis début janvier, JP Morgan AM revendique ainsi aujourd’hui 5 milliards de dollars d’actifs sous gestion pour sa gamme d’ETF actifs en Europe. Qui a dit « c’est tout » ? Cela représente tout de même une part de marché proche de 25% ! « Le marché européen des ETF actifs pèse 20 milliards de dollars aujourd’hui et il croît en moyenne de 40% par an, précise Olivier Paquier. Non seulement c’est un rythme deux fois supérieur à celui auquel croît désormais le segment des ETF passifs (20% par an), mais c’est d’autant plus remarquable que cet encours dépassait à peine 1 milliard de dollars il y a cinq ans. »
Les cinq leaders s’adjugent collectivement 17 milliards sur les 20 milliards de dollars du marché européen des ETF actifs. Malgré son début d’année compliqué, Pimco en reste le numéro 1, avec 7 milliards de dollars sous gestion. Numéro 2, JP Morgan AM pèse pour sa part aussi lourd… que les trois autres champions réunis ! Fidelity et Lyxor affichent en effet chacun 2 milliards de dollars d’encours actuellement, et HSBC 1 milliard.
Des graines à moudre sur le front réglementaire
Pour continuer à se développer, le marché européen des ETF actifs – et des ETF en général – gagnerait à ce que ses intervenants adoptent des pratiques plus standardisées et plus transparentes. C’est du moins l’avis d’Olivier Paquier. « Même si ces produits sont déjà très transparents (liquidité quotidienne, valorisation en temps réel…), des progrès peuvent encore être réalisés en matière de règlement-livraison ou d’information sur la fiscalité. Ceux-ci diffèrent en effet significativement selon les pays, explique-t-il. De surcroît, nous manquons encore de données facilement accessibles sur les ordres de marché et les acteurs à l’origine de ces opérations. »
Rien de surprenant dès lors à ce que le head of ETF EMEA de JP Morgan AM voit d’un bon œil le projet de création d’une base de données centralisée (consolidated tape) des transactions au sein de l’Union européenne. « Nous avons d’ailleurs répondu à la consultation de l’EFAMA à ce sujet et pensons qu’un tel outil nous permettrait de mieux anticiper les tendances de marché et de proposer des services mieux adaptés aux besoins des investisseurs », poursuit Olivier Paquier.
Les fonds actifs en voie d’extinction ?
Que ces changements surviennent ou non en Europe, l’essor global des ETF ne semble pas près de s’arrêter. Qu’ils soient passifs, smart beta ou actifs. « Le marché global des ETF pèse aujourd’hui plus de 10 000 milliards de dollars, dont 1 400 milliards en Europe, et je pense qu’il pourrait atteindre 30 000 milliards de dollars à horizon 2030 », prédit Olivier Paquier.
Mais le rêve des uns n’est-t-il pas le cauchemar des autres ? La gestion passive exerce notoirement une pression à la baisse sur les revenus des sociétés de gestion depuis des décennies. On ne compte plus les gérants remplacés par des génies du quantitative investing – par exemple chez Goldman Sachs –, ni les maisons de gestion active disparues ou rachetées par nécessité.
Un nouveau triplement de la taille du marché des ETF ne risque-t-il pas d’achever la gestion active ? JP Morgan AM ne se tirerait-il pas lui-même une balle dans le pied en développant des ETFs actifs susceptibles de concurrencer ses propres fonds actifs non indiciels ? « Pas vraiment, (r)assure Olivier Paquier. Nous constatons en fait que les investisseurs ont plutôt tendance à substituer les ETF actifs à des fonds indiciels traditionnels, et non pas aux fonds actifs basés sur l’analyse fondamentale. »
Vol en business au prix de la classe éco
Reste qu’en promettant « le meilleur des deux mondes », les ETF actifs devraient logiquement être facturés à des tarifs à mi-chemin entre la gestion passive et active. « Mais là encore, ce n’est pas vraiment le cas chez JP Morgan AM car nous avons déjà amorti le coût de la mise en place de notre infrastructure dédiée aux ETF, affirme Olivier Paquier. Nous facturons ainsi en moyenne entre 20 et 30 points de base [soit 0,20% à 0,30%] pour un ETF actif, alors que les prix de marché des ETF passifs sur les actions américaines sont plutôt compris entre 4 et 30 points de base. » Soit bien loin des 1% à 3% habituellement facturés aux investisseurs pour des fonds actifs.