La filiale américaine de gestion d’actifs d’Allianz va payer environ 6 milliards de dollars aux autorités américaines pour solder l’affaire de ses fonds Structured Alpha. Trois de ses ex-gérants sont poursuivis au pénal, après avoir touché collectivement plus de 110 millions de dollars de bonus entre 2016 et 2020.
La douloureuse est arrivée pour Allianz… et elle fait mal. Le département américain de la Justice (DoJ) a indiqué que l’assureur allemand a accepté de payer environ 6 milliards de dollars aux autorités américaines pour solder l’affaire des fonds Structured Alpha de sa filiale Allianz Global Investors US. Aussi salée soit-elle, la facture n’est toutefois pas une surprise pour le groupe. Il avait en effet provisionné 5,6 milliards d’euros (5,9 milliards de dollars) en deux temps ces derniers mois dans le cadre de ce dossier.
Dans le détail, Allianz Global Investors US va s’acquitter d’une amende de 2,33 milliards de dollars et verser 3,24 milliards de dédommagements. Ainsi que 463 millions de dollars de confiscations (« forfeiture ») au Department of Justice (DoJ) américain. Pour mettre un terme à l’enquête civile menée par la Securities and Exchange Commission (SEC), Allianz s’acquittera, enfin, d’une amende de 675 millions de dollars.
Des milliers d’Américains perdent leur chemise
Allianz Global Investors US s’est ainsi résolu à plaider coupable face aux nombreuses accusations des autorités. Pour rappel, l’affaire porte sur les déboires de plusieurs fonds – la gamme Structured Alpha donc – qui ont été terrassés au début de la pandémie de covid-19, alors qu’ils étaient censés être relativement sûrs. A fin 2019, ils affichaient collectivement plus de 11 milliards de dollars d’actifs sous gestion. Mais le krach boursier survenu entre février et mars 2020 leur a fait perdre plus de 7 milliards de dollars, conduisant à la liquidation d’une partie des véhicules.
De nombreux investisseurs ont ainsi décidé de poursuivre le gestionnaire d’actifs en justice. Et la plupart des clients lésés ne font pas partie des citoyens les plus fortunés, loin de là. Il s’agit notamment de milliers d’agriculteurs, de professeurs et d’employés dont l’épargne retraite était en partie placée dans les fonds Structured Alpha par l’intermédiaire de fonds de pensions. Sur les 6 milliards que paiera Allianz, environ 5 milliards sont censés dédommager ces épargnants.
Trois ex-gérants plaident coupable
Mais l’affaire ne s’arrête pas là. L’ancien directeur de la stratégie d’investissement des fonds Structured Alpha, Grégoire Tournant, a en effet été inculpé des chefs d’accusations suivants : association de malfaiteurs, fraude boursière, fraude au conseil en investissement ou encore obstruction à la justice. Il a fini par plaider coupable, tout comme deux autres ex-gérants impliqués, Stephen Bond-Nelson et Trevor Taylor.
Dans sa décision, la SEC estime notamment que les trois gérants et Allianz Global Investors US ont « matériellement induit en erreur les investisseurs à propos des risques que présentaient les fonds Structured Alpha ». Tout comme d’avoir « manipulé nombre de rapports financiers et d’informations fournies aux investisseurs afin de cacher l’ampleur des vrais risques [de ces produits] et la véritable performance de ces fonds ».
L’affaire est d’autant plus ravageuse pour l’image du groupe que les fonds Structured Alpha ont rapporté plus de 550 millions de dollars de frais de gestion à Allianz GI US entre janvier 2016 et mars 2020, relève le document de la SEC. Ce qui a permis à la société d’encaisser un profit net supérieur à 400 millions de dollars sur la période grâce à ces produits. Cerise sur le gateau, la SEC indique que Grégoire Tournant, Stephen Bond-Nelson et Trevor Taylor ont respectivement touché 49,8 millions, 10,8 millions et 49,8 millions de dollars de bonus entre 2016 et 2020.
Interdiction d’exercer
Si cet accord devrait permettre à Allianz de boucler le dossier sur le volet judiciaire, ses activités aux Etats-Unis ne seront manifestement plus jamais les mêmes. Une dépêche de l’AFP signale en effet que la plainte de la SEC empêchera Allianz GI de fournir des « services de conseil à des fonds d’investissement enregistrés aux Etats-Unis durant les 10 prochaines années. » Et que la filiale de gestion d’actifs de l’assureur « devra se retirer des fonds qu’il conseille à l’heure actuelle. »
Dont acte. Allianz vient d’indiquer dans un communiqué avoir signé un protocole d’entente en vue de conclure un « partenariat stratégique de long terme » visant à transférer environ 120 milliards d’actifs sous gestion d’Allianz GI US vers « un nouveau partenaire aux Etats-Unis ». Le nom du partenaire en question ? Voya Investment Management. A la suite de l’opération, ses encours sous gestion devraient passer de 250 milliards à 370 milliards de dollars. Allianz GI US prévoit d’entrer à son capital, potentiellement jusqu’à 24%.
Le groupe a tout de même bon espoir de sauver quelques meubles outre-Atlantique. Dans ce même communiqué, il indique s’attendre « à ce que la SEC publie des dispenses plus tard dans la journée pour garantir que le deal signé entre Allianz GI US et le DoJ n’impacte pas les activités de Pimco et de sa filiale Allianz Life. » Il est indéniable que Pimco se passerait bien de donner de nouvelles sueurs froides aux investisseurs, après l’avoir fait en mars dernier à cause de son exposition à la dette russe…