La Banque Postale AM a collecté 3 milliards d’euros l’an dernier, portant ses encours sous gestion à 60 milliards d’euros. De l’argent frais qu’il lui faudra bien investir en 2022.
La Banque Postale Asset Management a passé un cap l’an dernier. « Nos encours sous gestion ont dépassé 60 milliards d’euros, soit une hausse de 9 milliards sur un an », s’est félicitée Emmanuelle Mourey, présidente du directoire de LBPAM, lors d’une conférence de presse. Certes, les bonnes performances des marchés financiers ont clairement aidé à faire fructifier ce pactole. « Mais nous avons aussi enregistré une collecte nette de 3 milliards d’euros », signale Emmanuelle Mourey.
Nouvelles ambitions
Environ 58% de cette collecte a été réalisée en direct auprès d’investisseurs institutionnels, notamment grâce à cinq appels d’offres remportés. « Notre hit ratio [taux de succès] a atteint 33% dans ce domaine », précise la présidente du directoire. Le reste de l’argent récolté l’an dernier a été apporté à 22% par les particuliers et à 21% par les distributeurs (banques privées, plateformes…). « Nous comptons nous renforcer cette année sur ce dernier segment, signale Emmanuelle Mourey. Si nous ne nous fixons pas d’objectifs chiffrés, nous souhaitons tout de même que les distributeurs contribuent plus fortement à la collecte que les particuliers en direct. »
Pour y parvenir, la société de gestion compte notamment se renforcer sur le marché européen et faire valoir son engagement dans la finance durable. « Nous sommes numéro 1 en France dans ce domaine grâce à nos 30 milliards d’euros d’encours répartis dans 83 fonds ouverts labellisés ISR », affirme Emmanuelle Mourey. La société de gestion précise que 80% de ces produits sont des fonds article 8 au sens du SFDR, alors que 20% sont des fonds article 9.
La répartition globale des encours de La Banque Postale AM reflète la prépondérance persistante de certains types d’investisseurs parmi ses clients. A fin décembre, la société de gestion s’occupait de 37 milliards d’euros pour le compte d’institutionnels, de 17 milliards pour les particuliers et de 6 milliards pour les distributeurs.
En termes d’allocation, ces encours étaient répartis dans les quatre pôles d’investissement du groupe : les actions, sous l’égide de Tocqueville Finance (13 milliards d’euros), les stratégies multi-actifs et performance absolue (27 milliards d’euros), les solutions quantitatives (13 milliards d’euros) et les actifs réels et privés (7 milliards d’euros).
Trois fonds ultra-populaires… jusqu’aux déboires d’Orpea ?
Certains produits ont été plus populaires que d’autres. A eux seuls, trois fonds ont attiré collectivement 700 millions d’euros d’argent frais l’an dernier : Actions Silver Age ISR, Actions Environnement ISR et Actions Value Euro ISR. Il faut dire que leurs performances ont été au rendez-vous.
Centré sur les entreprises qui surfent sur le vieillissement de la population, le fonds Actions Silver Age ISR s’est adjugé 20% en 2021. Certes, les secousses survenues sur les marchés actions ces dernières semaines ont ramené sa progression en glissement annuel à 12,3% le 20 janvier. Et elle pourrait baisser un peu plus avec le plongeon d’Orpea à la Bourse de Paris les 24 et 25 janvier. L’opérateur de maisons de retraite est dans la tourmente à la suite des révélations de supposées maltraitances et fraudes dans le livre Les Fossoyeurs du journaliste Victor Castanet et d’une enquête de Mediapart. « Nous avons déjà cédé la moitié de nos positions sur Orpea et n’avons pas vocation à rester au capital d’entreprises faisant régulièrement l’objet de polémiques », a confié Michel Saugné, directeur de la gestion actions de Tocqueville Finance.
Centré sur le développement durable, le fonds Actions Environnement ISR a pour sa part enregistré une performance de 16,87% l’an dernier et de 7,92% au 20 janvier (en glissement annuel). Ces gains atteignaient respectivement 18,21% et 20,07% pour le fonds Actions Value Euro ISR. Ce dernier tire particulièrement profit de la récente rotation sectorielle des valeurs de croissance vers les actions décotées (value).
Moins de bénéfices à l’horizon
Dans un environnement aussi marqué par les risques géopolitiques (Russie-Ukraine, Chine-États-Unis…), les resserrements monétaires, l’inflation ou encore (et toujours) le covid-19, les gérants de LBPAM ne s’attendent pas à une année 2022 aussi éclatante que les deux précédentes sur le volet de la performance des actions. « Outre l’abondance de liquidités, la croissance des bénéfices des entreprises explique en grande partie la hausse des Bourses ces dernières années, explique Michel Saugné. Il avait fallu 11 ans pour que les profits des entreprises de l’indice européen Stoxx 600 retrouvent leur niveau précédant la crise de 2008-2009. Or en fin d’année dernière, ils étaient déjà supérieurs de 20% à leur niveau de 2019 ! Pour cette année, le consensus table sur un net ralentissement de leur rythme de croissance, vers 6%. »
Rendez-vous dans trois mois
Pas de quoi néanmoins inciter les gérants à bouder les actions dans leur allocation d’actifs, bien au contraire. A un horizon de trois mois, les équipes de LBPAM choisissent de surpondérer les actions européennes, chinoises et émergentes, et adoptent une position neutre sur les actions américaines et japonaises. Impossible pour autant de snober totalement le marché de la dette pour un groupe comme LBPAM. A ce titre, ses gérants se résignent à prendre des positions neutres sur les obligations d’entreprises européennes crossover (entre les segments investment grade et high yield) et high yield. Ils sous-pondèrent en revanche les obligations corporate investment grade américaines, qui offrent des coupons faibles et devraient pâtir de la remontée des taux outre-Atlantique.
Même son de cloche du côté des obligations souveraines : aucune ne trouve grâce aux yeux de LBPAM en ce moment ! « Même si cette classe d’actifs a retrouvé depuis quelques mois une certaine capacité à offrir une protection en cas de baisse des actions, ce mouvement n’est pas encore suffisant pour nous, tranche Guillaume Lasserre, directeur adjoint des gestions de LBPAM. Nous attendrons que les taux remontent davantage pour nous en servir comme couverture dans nos portefeuilles diversifiés. »
Les bonnes combines
Pour gérer le risque lié à son exposition aux actions, La Banque Postale AM optera ces prochains mois pour différents stratagèmes. D’une part, ses gérants recourront à des produits exposant aux « points morts » d’inflation (break-even) plutôt que d’opter pour des obligations indexées sur l’inflation, « devenues trop chères », précise Guillaume Lasserre. D’autre part, ils n’hésiteront pas à mettre en portefeuille des obligations convertibles. « Elles ont l’avantage d’avoir un juste prix par sous-jacent fait sur mesure, actif par actif, par rapport à des options de protection plus globales devenues, elles aussi, onéreuses », poursuit Guillaume Lasserre.
Les actifs réels (immobilier, infrastructures…) figurent aussi en bonne place parmi les chouchous de LBPAM cette année, de même que les prêts aux entreprises (avec effet de levier ou non) à taux variables, entre autres.