Axa est entré au capital de Scope alors que l’agence de notation allemande vient d’obtenir un mandat pour noter la dette de la Commission européenne. Stéphane Le Priol (Axa) et Marc Lefèvre (Scope) expliquent les raisons de cette opération.
Scope Group a un nouvel actionnaire de poids. La maison-mère de l’agence de notation Scope Ratings, du spécialiste de l’analyse de fonds Scope Analysis de Scope ESG a accueilli Axa à son capital à l’automne dernier. Le montant de l’opération et de la participation de l’assureur sont tenus secrets. Les principaux intéressés concèdent tout de même qu’Axa a pris environ 6% du capital. Il est ainsi devenu le premier actionnaire français du groupe. Concomitamment, les investisseurs historiques ont légèrement renforcé leur participation pour éviter d’être dilués.
Axa rejoint une bande d’assureurs
S’il est le premier investisseur français à entrer au capital de Scope, Axa n’est de loin pas le premier assureur. Les allemands HDI/Talanx et Signal Iduna, ainsi que le suisse Die Mobiliar y sont déjà présents. Tout comme l’une des plus grosses fondations allemandes, RAG-Stiftung.
De nouveaux actionnaires devraient prochainement se joindre à eux. « Nous sommes en train de construire une alliance d’investisseurs européens et comptons à nouveau lever des fonds prochainement, confie Marc Lefèvre, responsable pour l’Europe de l’Ouest chez Scope Group. Nous avons à ce titre entamé des discussions avec plusieurs ”asset owners” (assureurs, mutualistes…), asset managers et banques en France, en Italie ou encore en Espagne. »
Nouvelles acquisitions en vue
La société ne dévoile pas la somme qu’elle espère obtenir lors de son futur tour de table. Mais l’argent récolté lui servira à accélérer sa croissance. « Actuellement, notre chiffre d’affaires progresse de 30% à 40% par an », précise Marc Lefèvre. Pour ce faire, Scope compte notamment agir comme « consolidateur » sur le marché européen de la notation financière et extra-financière. « Nous employons aujourd’hui près de 340 salariés, dont une trentaine à France, alors qu’il existe une trentaine de petites agences de notation en Europe », ajoute Marc Lefèvre.
Soit autant d’opportunité pour un groupe qui, depuis sa fondation à Berlin par Florian Schoeller en 2002, a déjà racheté PSR Ratings en 2012, FER EuroRating Services en 2016 et Euler Hermes Rating (ex-propriété d’Allianz) en janvier 2021. « Nous pourrions consacrer plusieurs dizaines de millions d’euros à de nouvelles acquisitions à moyen terme », indique Marc Lefèvre.
Face aux Big 3
L’objectif de Scope est de longue date de concurrencer les trois géants anglo-saxons de la notation de crédit : S&P Global Ratings, Moody’s et Fitch. S’il lui reste du chemin à parcourir face à ces colosses, la société est tout de même déjà parvenue à s’imposer sur certains segments de marché. « Nous avons dépassé Fitch en nombre de notations émises sur des sociétés non financières européennes l’an dernier et nous nous trouvons aujourd’hui au coude-à-coude avec Moody’s, indique Marc Lefèvre. Nous sommes par ailleurs le numéro de la notation souveraine en Europe. »
Axa en renfort… jusqu’à l’IPO ?
Pour Axa, entrer au capital d’une agence de notation est également une première. « Nous avons été séduits par le projet de construire un acteur européen de référence sur ce marché encore dominé par une approche américaine, explique Stéphane Le Priol, responsable public fixed income chez Axa. Il s’agit en outre d’un investissement qui nous semblait intéressant en termes de rentabilité pour notre portefeuille. »
L’assureur ne se fixe pas d’horizon pour sortir du capital de Scope et compte l’accompagner dans les prochaines étapes de son développement de Scope. Notamment dans la perspective d’une introduction en Bourse. « Nous réfléchissons en effet à devenir une société cotée d’ici 3 à 4 ans », confie Marc Lefèvre.
Sésame européen
Dans l’immédiat, l’agence vient d’obtenir un sésame susceptible de l’aider à concrétiser ses ambitions. La Commission européenne vient en effet de lui confier un mandat pour noter les instruments de dette qu’elle émet sur les marchés. Notamment au titre des programmes NextGenerationEU et SURE, mis en place en réponse à la pandémie de covid-19. Ceux-ci pourront respectivement atteindre 806 milliards et 100 milliards d’euros. Jusqu’alors, Scope se contentait d’émettre des notations sur les emprunts d’institutions européennes de manière non sollicitée.