Deux anciens de chez Novaxia lancent leur propre société de gestion à Paris. Leur stratégie de développement passe notamment par le lancement d’une SCPI au modèle de facturation inhabituel.
Il y a un nouvel arrivant parmi les plus de 700 sociétés de gestion référencées en France : Remake Asset Management. Nicolas Kert et David Seksig ont co-fondé cette structure spécialisée dans l’investissement immobilier, qui compte huit personnes. Passés notamment par Amundi, Generali, Swiss Life REIM, Perial AM et dernièrement Novaxia Investissement, les deux compères se sont lancés dans l’aventure entrepreneuriale pour défendre un modèle de facturation peu répandu parmi les SCPI : l’absence de frais d’entrée pour les investisseurs.
Concurrence interne
Sur les 209 SCPI répertoriées fin 2021 par l’ASPIM (Association française des sociétés de placement immobilier), seulement une poignée appliquent en effet une telle politique. Il s’agit par exemple de Zen d’Iroko et de Neo de Novaxia Investissement. Nicolas Kert et David Seksig ont d’ailleurs contribué au lancement de ce dernier produit en 2019. « Nous voulions davantage déployer ce modèle de facturation mais avons réalisé qu’il pouvait être compliqué de le faire coexister au sein d’une société de gestion dont les autres fonds (SCPI ou non) affichent des frais d’entrée, explique Nicolas Kert. Cela peut en effet créer de la concurrence interne basée sur ce critère, et in fine freiner le développement commercial. »
Nouveau mode de rémunération des distributeurs
D’autant que le choix du modèle de frais des SCPI – et des fonds en général – a un impact sur la rémunération de leurs distributeurs, tels que les conseillers en gestion de patrimoine (CGP). Les intermédiaires perçoivent en effet une partie des frais d’entrée, qui leur sont reversés par la société de gestion. Pour compenser la disparition de cette rémunération, Remake AM a choisi de leur verser une partie des commissions facturées aux investisseurs tout au long de la vie de sa toute première SCPI. Nommé Remake Life, ce produit prélève notamment une commission de gestion annuelle de 18% (TTC) sur les loyers perçus. Alors que ce ratio est en moyenne compris entre 8% à 12% chez la majorité des autres SCPI. « Mais la disparition des frais d’entrée, qui représentent généralement 8% à 12% de la somme initialement placée, compense ces frais de gestions plus élevés », fait valoir Nicolas Kert.
Un peu de rendement sacrifié sur l’autel du social
Outre proposer ce mode de rémunération alternatif, Remake AM compte se distinguer de la quarantaine de sociétés de gestion spécialisées dans les SCPI répertoriées par l’ASPIM en faisant le pari de l’ESG. En effet, sa SCPI allouera entre 5% et 10% de ses encours à de l’immobilier « social », c’est-à-dire principalement des logements sociaux. « Nous assumons que cette poche du fonds fasse un peu baisser le rendement total du portefeuille car elle permet d’avoir un véritable impact social », indique Nicolas Kert.
Le cofondateur de Remake AM vise un taux de rentabilité interne (TRI) de 5,9% sur 10 ans pour son produit. Ainsi qu’un taux de distribution de 5,5% par an. Pour capitaliser sur les exigences croissantes des épargnants en matière d’investissement responsable, la société de gestion espère obtenir le label ISR pour sa SCPI d’ici cet été. Voire la faire au moins qualifier d’article 8 au sens du SFDR.
100 millions d’euros en ligne de mire
Dotée d’un capital social de 1,2 million d’euros, Remake AM s’attèle actuellement à lever des fonds pour alimenter sa SCPI. Elle a déjà collecté 20 millions d’euros auprès de ses fondateurs, d’assureurs et de clients privés. Un « acteur institutionnel de renom » dont l’identité est tenue secrète s’est pour sa part engagé à y placer 30 millions d’euros cette année. « Nous visons 100 millions d’euros de collecte d’ici fin décembre », confie Nicolas Kert.
Pour y parvenir, la jeune société cible en priorité les CGP, les plateformes et les assureurs. « Venant d’obtenir le visa de l’AMF, nous nous apprêtons à démarrer début mars la commercialisation de Remake Live à grande échelle », précise Nicolas Kert. Des discussions sont notamment en cours pour faire référencer ce produit sur plusieurs plateformes d’assurance-vie.
Car le « produit d’épargne préféré des Français » est au cœur de la stratégie de Remake AM. « Nous estimons que 60% à 70% de la collecte des SCPI auprès de la clientèle retail est réalisée par de la souscription en titres, et 30% à 40% via l’assurance-vie, indique Nicolas Kert. Or nous pensons que notre produit est bien positionné, notamment grâce à sa politique de frais, pour attirer l’épargne placée sur ces contrats-là. »
Le coup d’après
En termes d’allocation, Remake AM se concentre sur l’immobilier professionnel (bureaux, commerces…) en périphérie des métropoles françaises et européennes. La partie « habitation » est seulement représentée au sein au sein de la poche « sociale » du fonds. « A l’étranger, nous nous focalisons sur les pays dont la fiscalité des SCPI n’est pas rédhibitoire, précise le cofondateur. L’Allemagne, les Pays-Bas ou encore l’Espagne répondent notamment à nos critères de sélection. »
S’ils sont aujourd’hui accaparés par le lancement de leur premier fonds, les dirigeants réfléchissent tout de même déjà au coup d’après. Ils ont à l’esprit un nouveau fonds immobilier, qui pourrait prendre la forme d’un OPCI (organisme de placement collectif en immobilier) ou d’une SCI (société civile immobilière). « Mais ce ne sera pas avant au moins 2023 et nous veillerons à ce que ce potentiel futur produit soit parfaitement fongible dans l’assurance-vie », tempère Nicolas Kert.
Remake AM ne sera probablement plus « le petit nouveau » du secteur d’ici là. Selon les chiffres publiés par l’AMF le 18 janvier dernier, les sociétés de gestion immobilières ont représenté 30% des 43 nouveaux gestionnaires d’actifs agréés en 2020.